Le lobbying est-il soumis à la TVA ?
Les associations internationales qui ont pour objectif de défendre et de représenter les intérêts collectifs de leurs membres auprès autorités publiques (lobbying) sont soumis à une régime TVA particulier.
Sont en effet exemptées de TVA par l’article 44, §2, 11° du Code TVA, les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, fournies à leurs membres dans leur intérêt collectif, moyennant une cotisation fixée conformément aux statuts, par des organismes sans but lucratif poursuivant des objectifs de nature politique, syndicale, religieuse, patriotique, philosophique ou civique, à condition que cette exonération ne soit pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence.
Le combat d'une association contre l'administration fiscale porté devant les tribunaux
Une association internationale sans but lucratif (AISBL) a pour objet principal l’étude du piratage d’œuvres audiovisuelles, le droit d’auteur et autres protections d’œuvres audiovisuelles et en outre, à titre subsidiaire, la promotion des intérêts de ses membres. Elle a recours dans le cadre de ses activités aux services d’une société commerciale (SPRL) qui assure notamment les tâches de secrétariat général.
L’AISBL considère que son statut TVA est celui d’un assujetti avec droit à déduction sur la base d’une décision individuelle prise par l’administration de la TVA pour une autre AISBL exerçant une activité semblable à la sienne mais dans le secteur de la musique.
Après un contrôle TVA effectué sur place, différentes positions sont exprimées tant par le fonctionnaire en charge du dossier que par la Direction régionale de Bruxelles I et l’administration centrale pour aboutir finalement à la conclusion que l’AISBL dispose du statut d’assujetti exonéré sans droit à déduction conformément à l’article 44, §2, 11° du Code TVA dès lors que son activité principale est de nature « syndicale » (lobbying).
Le litige est porté devant le tribunal de 1ère instance de Bruxelles.
Que dit le tribunal?
Le tribunal donne raison à l’administration de la TVA et considère que l’AISBL est un assujetti exonéré sans droit à déduction pour les raisons principales suivantes :
Concernant les positions divergentes prises par l’administration de la TVA
La décision individuelle concernant une autre AISBL (exerçant une activité similaire) ne peut créer dans son chef la légitime confiance qu’elle correspondait à une ligne de conduite de l’administration bien établie à son égard et qu’elle devait nécessairement bénéficier de la même décision.
- L’AISBL a décrit comme suit ses activités dans sa déclaration de commencement d’activité (formulaire 604A) : « étude droit d’auteur, des législations dans le domaine de l’audiovisuel, lobbying et représentation auprès des institutions européennes » ;
- L’AISBL est accréditée en qualité de « lobbyiste » auprès du parlement européen ;
- L’AISBL se présente dans une revue de presse disponible sur son site internet et des publications destinées au parlement européen et au public comme une association internationale qui a pour objet la promotion des intérêts des producteurs et distributeurs de films européens ;
- L’AISBL se présente dans une brochure comme une association professionnelle qui a pour objectif de promouvoir les intérêts de l’industrie européenne du film en encourageant les institutions européennes à mettre en place un environnement réglementaire qui permette d’assurer le développement et la compétitivité de l’industrie.
Pour le juge, ces documents établissent que l’AISBL a pour activité principale la promotion des intérêts collectifs de ses membres et la représentation de ces intérêts vis-à-vis des centres de décision, soit essentiellement les institutions européennes.
Le commentaire d'un expert TVA?
Les litiges entre les AISBL et l’administration de la TVA portant sur l’application ou non de l’article 44, §2, 11° du Code TVA (lobbying) sont de plus en plus nombreux. Si dans le passé, certains accords pouvaient encore être conclus au niveau administratif (par exemple clé de répartition 80/20 aboutissant à un droit à déduction partiel), cela ne semble désormais plus possible.
Les litiges portés devant les tribunaux sont donc nécessairement amenés à croitre dans un avenir très proche.
Dans ce cadre, la question principale qui devra être tranchée par le juge consistera à déterminer la nature de l’activité principale de l’AISBL. Ce n’est que si cette dernière arrive à démontrer que son activité principale consiste non pas dans la représentation des intérêts collectifs de ses membres mais dans la réalisation d’études et de recherches au profit des membres qu’elle disposera d’un droit à déduction.
Les AISBL qui se sentent visées ont donc tout intérêt à bien se documenter afin de pouvoir apporter cette preuve en temps opportun.
Source: tribunal de 1ère instance de Bruxelles du 6 mars 2008.
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