Le danger de l'insouciance en TVA
Bien souvent une entreprise ne se soucie pas directement du traitement TVA de ses activités à l’étranger. Priorité absolue est donnée aux commerciaux et à conclusion de contrats visant à doper le chiffre d’affaires. La TVA est, dans ce processus, au pire, ignorée, au mieux traitée comme une question mineure dénuée d’impact sur le bon déroulement des affaires.
Une approche TVA erronée de la situation de départ peut néanmoins venir plomber les finances de l’entreprise. Car dans chaque pays, l’administration fiscale attend patiemment une petite erreur commise par son adversaire pour débuter les hostilités.
C’est la mésaventure survenue à une société néerlandaise en Lituanie.
L'affaire
Un entreprise néerlandaise active dans le commerce international de matières premières achète du blé auprès de fournisseurs lithuaniens. Ces derniers lui délivrent des factures avec TVA locale. La société batave exporte ensuite l’intégralité de ce blé vers des Etats tiers (Algérie et Turquie) en appliquant un taux de TVA de 0% au titre d’exportation.
Voulant récupérer la TVA lituanienne, elle s’aperçoit qu’elle ne peut le faire que si elle est identifiée comme assujettie à la TVA. Elle entreprend les démarchées auprès des autorités fiscales lituaniennes en vue de s’inscrire à la TVA avec six mois de retard et y obtient un numéro de TVA. Elle régularise sa situation dans sa première déclaration TVA et demande le remboursement de la TVA au Trésor public local.
L'affaire résumée en une image
Le litige TVA
L’administration fiscale lituanienne flairant le bon coup refuse de lui rembourser la TVA au motif que le blé en cause, ayant déjà été vendu, ne serait plus utilisé pour les besoins de ses opérations assujetties à la TVA. Un motif de rejet pour le moins filandreux !
L’entreprise néerlandaise entame alors un parcours administratif puis judiciaire. L’affaire aboutit devant la cour de Justice qui doit trancher la question suivante : le droit à déduction de la TVA peut-il être refusé au seul et unique motif que l’entreprise n’était pas identifiée à la TVA ?
La réponse de la Cour de Justice
Dans un arrêt limpide et succinct, la cour rappelle les principes suivants :
- Un assujetti a le droit de déduire la TVA acquittée dans un pays pour les biens qui lui sont livrés par un autre assujetti qui sont utilisés pour les besoins de ses activités. Dans le cas d’espèce, la société néerlandaise a exporté l’intégralité du blé qu’elle avait acquis en Lituanie vers des Etats tiers, en appliquant un taux de TVA de 0%. Partant, elle bénéficie du droit à déduction en ce qui concerne la TVA acquittée sur ces biens en Lituanie. Ce droit prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.
- L’exercice du droit à déduction est soumis à une seule condition de forme tenant à la détention par l’entreprise néerlandaise d’une facture établie conformément à la réglementation TVA. Dans le cas d’espèce, elle dispose bien d’une facture établie en bonne et du forme par son fournisseur lituanien.
- L’identification à la TVA n’est pas un acte constitutif du droit à déduction mais constitue une exigence formelle à des fins de contrôle.
Certes, une entreprise qui ne respecte pas les exigences formelles établies par la Directive TVA peut être passible d’une peine administrative. Mais cette négligence ne permet en aucun cas à l’administration fiscale d’en profiter pour saborder le sacro-saint principe du droit à déduction qui demeure une pièce essentielle de tout le système TVA.
Source: affaire C-385/09 (Nidera Handelscompagnie BV), 21/10/2010
L'oeil de l'expert
Cette affaire est la parfaite illustration des dangers encourus par une entreprise qui décide de faire du commerce à l’étranger sans se soucier du traitement TVA de son activité.
En considérant la TVA comme une question subalterne, la machine s’est totalement grippée. Pour quels résultats?
- Une trésorerie plombée par un crédit TVA de € 3,4 millions d’euros bloqué pendant plusieurs années;
- Un combat administratif et judiciaire acharné contre l’administration fiscale lituanienne qui se termine (heureusement) devant la cour de justice.
Bref, des soucis et de l’argent dépensé pour rien. Car si l’entreprise avait pris la peine de informer correctement dès le départ, elle aurait alors su que la réglementation TVA lituanienne exigeait une inscription à la TVA préalable pour pouvoir récupérer la TVA sur ses achats.
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