La facture, pièce maîtresse
Dans le labyrinthe complexe de la fiscalité, la facture occupe une place centrale pour les entreprises.
Mais ce document pourtant essentiel est souvent gravement négligé par les parties : description sommaire des biens et services vendus, absence de numéro de TVA du client, nom incomplet du client, adresse inexacte, etc.
Et c’est lorsqu’un contrôle TVA survient plusieurs années plus tard que l’on regrette amèrement le manque d’attention portée initialement sur la facture. Accepter une facture lacunaire de son fournisseur, c’est en effet s’exposer à une perte de déduction de la TVA, une sanction qui pèse rapidement lourd sur les finances d’une entreprise.
L'affaire
Une affaire portée à la CJCE illustre cette problématique. Elle concerne une entreprise portugaise qui avait acheté des services informatiques. Elle paya les factures à son prestataire et déduisit la TVA dans sa déclaration TVA.
Le prestataire avait cependant libellé ses factures de manière assez générale telle que « service de développement d’application ». Et bien entendu le fisc portugais en profita pour refuser la déduction de la TVA au seul motif que ce libellé général n’était pas conforme à la loi qui exige une description suffisamment précise des services.
Que dit la Cour de Justice?
C’est par une ordonnance assez courte que la Cour va rappeler sa position en prodiguant une énième fois un cours de droit fiscal à l’administration portugaise:
- Le droit à déduction de la TVA constitue un principe fondamental du système de la TVA
- la détention d’une facture comportant les mentions obligatoires constitue une condition formelle et non pas une condition matérielle du droit à déduction de la TVA
Il s’ensuit que l’administration fiscale ne saurait refuser le droit à déduction de la TVA au seul motif qu’une facture ne comporte pas toutes les mentions obligatoires, si elle dispose de toutes les données pour vérifier que les conditions matérielles (notamment l’utilisation par l’entreprise des services pour ses activités taxées) relatives à ce droit sont satisfaites.
L'oeil de l'expert TVA
Alors que les factures devraient normalement constituer des documents clairs et complets, elles sont régulièrement négligées par les parties et en deviennent des énigmes que même les spécialistes peinent à décoder. Résultat : La facture, qui devrait être une alliée de toute entreprise, se transforme en une source de contentieux avec le fisc.
L’affaire précitée, bien que se concluant favorablement, reste un signal d'alarme puissant pour toutes les entreprises. Il aura fallu au final plus de 13 ans à l’entreprise pour pouvoir récupérer un montant de € 80.000 de TVA !
Afin d’éviter les litiges couteux et énergivores pour jouir de son droit à déduction, il est essentiel pour le service fiscal et comptable d’une entreprise de solliciter – dès le départ – des factures correctes de la part de fournisseurs. L’un des meilleurs moyens d’y parvenir est d’établir, en concertation avec le service des achats, des ordres d’achat suffisamment clairs et précis en amont.