La période de révision
Les entreprises qui se développent procèdent régulièrement à des investissements importants : achat de machines-outils, matériel informatique, meubles de bureaux, etc.
La TVA sur ces dépenses est bien évidemment immédiatement et intégralement récupérable. La déduction de la TVA n’est cependant définitivement acquise qu’après une certaine période (appelée période de « révision ») qui est de 5 ans pour les investissements meubles et de maximum 20 ans pour les investissements immobiliers.
Si au cours de cette période, l’entreprise n’utilise plus ces investissements, elle doit alors procéder à une régularisation, c’est-à-dire reverser une partie de la TVA initialement déduite.
Il existe cependant des situations où les investissements ne sont plus utilisés pour des raisons totalement indépendantes de l’entreprise. C’est le cas notamment lorsque les biens sont détruits, volés ou perdus. Dans ce cas, la Directive TVA admet que la TVA initialement déduite soit définitivement acquise et ne fasse pas l’objet d’une régularisation.
Mais qu’en est-il en cas de destruction volontaire ?
L’affaire ayant abouti devant la cour concerne une entreprise active dans le domaine des télécommunications qui avait acheté divers biens, tels des installations, équipements ou appareils. Après un certain temps, l’entreprise décide qu’elle n’a plus d’utilité de ces biens pour diverses raisons, notamment leur usure, leur défectuosité ou encore leur caractère obsolète ou inadapté. L’entreprise arrive à revendre une partie des équipements en pièces détachées, dépose les invendus à la déchetterie et radie ces biens de son bilan.
L’administration fiscale bulgare estime cependant que la destruction des biens, lorsqu’elle est volontaire, entraîne la régularisation de la TVA initialement déduite. Ce que conteste l’entreprise. L’affaire aboutit devant la Cour de Justice.
Que dit la Cour de Justice?
La cour va donner raison à l’entreprise. Rien dans la directive TVA ne permet de conclure que le concept de « destruction des biens » ne vise que les biens qui sont détruits de manière totalement indépendante de la volonté de l’entreprise. Le critère fondamental du système TVA est la prise en compte de la réalité économique et commerciale. Il y a donc des hypothèses où la destruction d’un bien peut procéder d’une intervention volontaire de l’entreprise. Il en est ainsi, en particulier, en cas de destruction d’un bien décidée à la suite du constat que celui-ci est devenu impropre à son utilisation dans le cadre des activités économiques habituelles de l’assujetti.
Ainsi, des modes d’élimination d’un bien tels que la mise en décharge de celui-ci doivent être considérés comme aboutissant à sa « destruction » dès lors qu’ils entraînent concrètement la disparition irréversible de ce bien.
Source : Affaire C‑127/22 du 4 mai 2023, Balgarska telekomunikatsionna kompania EAD
L'oeil de l'expert TVA
Si votre entreprise n’a plus d’utilité de certains de ses investissements, elle peut décider de les mettre au rebut ou à la décharge. Mais attention. La destruction d’un bien faisant partie du patrimoine de votre entreprise doit être dûment prouvée ou justifiée et seule peut être prise en considération la destruction d’un bien décidée en raison de la perte objective d’utilité de ce bien. En d’autres termes, il faut pouvoir documenter la sortie des biens de son patrimoine dans les formes et délais applicables dans chaque pays afin d’éviter toute velléité de l’administration fiscale locale d’exiger le reversement d’une partie de la TVA initialement déduite.