Notre expert TVA
Les ruptures de contrats sont légions
Lorsqu'une des parties à un contrat décide d'y mettre un terme anticipativement, elle peut être tenue de verser une compensation financière à l'autre partie. La question de la TVA sur ce dédommagement se pose alors.
Prenons le cas d’un prestataire de services numériques qui s’engage à créer une plateforme sur mesure pour l’un de ses clients. Après quelques étapes du développement, le client décide d’interrompre le projet, invoquant un changement de stratégie. Il s’est engagé contractuellement à verser 20% du solde restant dû à titre d’indemnité, la somme devant permettre de couvrir tous les préjudices subis par le prestataire. Ce montant est-il soumis à la TVA ? Et qu’en est-il des acomptes déjà versés ?
Un autre exemple courant est celui d’un participant qui achète un billet pour un événement, puis se désiste et demande un remboursement. L'organisateur retient des frais fixes et rembourse le solde. La question est de savoir si la TVA s'applique à ces frais de compensation ?
Bref, en cas de rupture de contrat avec dédommagement sous une forme ou une autre, il faut déterminer si le montant est soumis à la TVA ou au contraire s’il s’agit d’une indemnité couvrant un préjudice subi sur laquelle aucune TVA ne doit être appliquée.
Et la réponse à cette question est loin d’être évidente.
L’affaire portée devant la Cour
Un entrepreneur commence un projet immobilier d'une valeur de € 5.300.000. Peu après le début du chantier, le client décide d'arrêter le projet. L'entrepreneur réclame alors le paiement d'une indemnité compensatoire prévue contractuellement en cas de résiliation anticipée, d'environ 1.500.000 €, ce qui est largement supérieur au prix des services réellement exécutés. La TVA est-elle due sur cette indemnité de rupture alors que le projet n'a pas été exécuté et qu'il a été annulé par le client en cours d'exécution ?
L’affaire remonte jusqu’à la Cour de Justice.
La réponse de la Cour
La Cour estime que la somme ainsi réclamée contractuellement par l’entrepreneur à son client doit être soumis à la TVA et rappelle deux principes :
- Une prestation de services est soumise à la TVA lorsque des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective d’un service individualisable fourni au bénéficiaire. Il doit pour cela exister une lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue.
- Un lien direct existe lorsque le service est consommable par le client, quand bien même ce dernier décide de ne pas le consommer. En conséquence, sans consommation possible par un client identifiable, il ne peut y avoir de livraisons de biens ou de prestations de services soumises à la TVA.
Pour la Cour, ce lien direct existe dans la présente affaire car le prestataire avait commencé à fournir la prestation de services concernée et était prêt à exécuter celle-ci jusqu’à son terme.

Des positions jurisprudentielles divergentes
Il est à noter que la Cour de justice de l’Union européenne a adopté, dans le passé, une position contraire. Dans un arrêt majeur (l’affaire C-277/05), elle a estimé que le montant payé par un client lors de l’annulation d’une réservation hôtelière déjà réglée constituait une indemnité liée à l’inexécution d’un contrat, et ne relevait donc pas de la TVA. Cet arrêt demeure pertinent, bien que de nombreuses décisions ultérieures s’en écartent. Doit-il être désormais être considéré comme un arrêt isolé ?
L'oeil de l'expert
La question de savoir si les montants réclamés lors de la rupture de contrats doivent être soumis à la TVA est complexe. La jurisprudence européenne présente des divergences et donc une certaine incertitude sur ce sujet. Il est nécessaire d'examiner attentivement la réalité économique et commerciale de l'opération pour prendre une décision éclairée.
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