La période de révision
Une entreprise qui démarre ses activités espère toujours que ses investissements (machines-outils, matériel informatique, etc.) lui permettront de développer son chiffre d’affaires. Malgré tous les efforts consentis, le succès peut cependant ne pas être au rendez-vous: pertes en constante augmentation, absence de commandes, doute quant à la rentabilité de l’activité économique. De sorte qu’un actionnaire peut décider de mettre un terme à l’activité.
Il se pose alors la question du reversement de la TVA initialement déduite sur les dépenses d’investissements. La TVA sur un achat est immédiatement et intégralement récupérable. Mais pour les dépenses d’investissements, la déduction n’est toutefois définitivement acquise qu’au terme d’une période de révision (5 ans pour les biens meubles et maximum 20 ans pour les biens immobiliers). L’entreprise doit régulariser la TVA initialement déduire si le bien n’est plus affecté aux activités économiques au cours de la période de révision.
Comment doit-on régulariser la TVA lorsque les projets d’investissements sont abandonnés ?
Il était traditionnellement admis qu’une entreprise ne devait pas procéder à la régularisation de la TVA lorsqu’elle pouvait démontrer qu’elle avait eu l’intention d’exercer une activité économique mais qu’elle avait été malheureuse en affaires. Lorsque des projets investissements sont abandonnés en raison de circonstances indépendantes de la volonté de l’entreprise, il n’y a pas lieu de procéder à une régularisation de la TVA. C’est le célèbre arrêt INZO datant de 1996.
Même en cas de cessation définitive des activités ?
L’affaire portée devant la Cour de Justice concerne une entreprise qui avait supporté des dépenses importantes de R&D pour la création d’un prototype d’appareil médical en vue de sa commercialisation ultérieure sur le marché. Mais une fois son projet terminé, le succès commercial n’a pas eu lieu et après plusieurs exercices comptables en perte, la société a décidé de cesser ses activités. Elle est entrée en liquidation et a demandé la radiation de son numéro de TVA.
Elle a alors fait l’objet d’un contrôle fiscal qui s’est terminé par un redressement, l’administration fiscale considérant qu’elle devait procéder au reversement de la TVA initialement déduite à l’égard de tous les biens ou services restant invendus, majoré d’un montant au titre d’intérêts de retard et d’une amende administrative.
Fort de la jurisprudence INZO, la société a contesté la position de l’administration et l’affaire s’est terminé devant la Cour de Justice
Que dit la Cour de Justice?
Contre toute attente, la Cour de Justice a donné raison à l’administration fiscale en corrigeant sa jurisprudence antérieure.
Lorsqu’une entreprise procède à la radiation de son numéro de TVA, cela veut dire qu’elle n’a plus l’intention d’utiliser ou d’exploiter les investissements acquis antérieurement pour réaliser de ventes soumises à la TVA et ce, de manière définitive. Le lien direct entre l’achat en amont et la réalisation d’une vente en aval est rompu et le mécanisme de régularisation doit s’appliquer. La raison pour laquelle l’activité est arrêtée n’a pas d’incidence. Ce qui enclenche la régularisation de la TVA c’est donc le fait de ne plus avoir l’intention d’exploiter les biens d’investissement et ce, de manière définitive.
L'oeil de l'expert TVA
L’idée sous-jacente de la jurisprudence INZO était de ne pas accabler une entreprise déjà malheureuse dans ses affaires. Trente ans plus tard la Cour de Justice modifie en partie sa position. Désormais, la TVA déduite sur les biens d’investissements qui demeurent invendus après la cessation définitive des activités doit faire l’objet d’une régularisation.
Votre entreprise décide de cesser ses activités ? Elle doit prendre en compte ce nouveau paramètre afin d’y trouver la parade sous peine de subir non seulement un échec commercial mais également les foudres de l’administration fiscale qui se fera pas prier pour mettre un dernier clou dans le cercueil.